Préface

C’est parce qu’il était immobilisé à Lausanne que Giuseppe Melillo a commencé à prendre des images de la ville de Lausanne : pour satisfaire son envie de photographier et parce qu’il n’avait rien d’autre à se mettre sous l’objectif. L’idée s’est imposée lorsqu’il s’est souvenu du portrait étonnant de cette ville qu’en avait donné Jean-Pascal Imsand, il y a plus de vingt ans. Le jeune artiste avait alors démontré que Lausanne était une ville « photographiable ». Certaines villes ne le sont pas, comme on sait, tels New York ou Venise, par exemple, toute prise de vue de rue ou d’immeuble risquant de se transformer en carte postale. D’autres ne l’ont pas été pendant longtemps et le deviennent avec le temps, à l’instar des villes industrielles. La Chaux-de-Fonds était jusqu’à récemment considérée comme la ville la plus laide de Suisse. Elle vient d’être inscrite au patrimoine de l’UNESCO. Cette réhabilitation fait d’elle, à juste titre, un objet digne d’être regardé, et donc photographié. Lausanne n’a jamais eu à souffrir d’une aussi mauvaise image. Force est cependant de constater qu’il lui manquait quelque chose… une cohésion urbanistique, une unité architecturale, qui sait ? Imsand avait su homogénéiser rues et places en les projetant dans un univers nocturne et en ménageant une large place au fantastique.

Depuis les choses ont changé. Lausanne a acquis un véritable profil, non pas en raison du temps qui passe mais à cause des transformations qu’elle s’est imposée. Et ce profil est celui d’une métropole moderne – ainsi qu’en témoigne son récent métro – et non d’une ville historique confite dans son passé. Les changements ne s’y produisent pas seulement à la périphérie, comme ailleurs dans les autres agglomérations. Ils s’affichent en plein centre-ville, dans le quartier du Flon. Cela a pour effet que Lausanne apparaît aujourd’hui comme la ville présentant le visage le plus moderne, le plus nouveau de Suisse romande – même si le musée des beaux-arts d’Ouchy manque malheureusement au rendez-vous.

Melillo hérite donc d’une situation différente de celle qui prévalait à la fin des années 1980. En plus, la photographie a beaucoup évolué, elle aussi. A l’époque d’Imsand, elle était en noir/blanc, dense, sombre et contrastée. Aujourd’hui elle est en couleurs, lumineuse et transparente. Melillo exploite au mieux ces acquis récents (tout en ne négligeant pas les vues de nuit). En regardant ses images, on se demande si la ville – l’architecture, le bâti – n’est pas le principal personnage de l’histoire qu’il veut nous raconter. Une chose est sûre, il y a un « effet Flon » dans sa vision de Lausanne : toutes les photographies semblent avoir été prises dans ce quartier et, du même coup, être transfigurées par la modernité.

Jean-Christophe Blaser—–
Conservateur—–
Musée de l’Elysée, Lausanne
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